Pour Deezer, l’heure est venue de transformer son premier essai. Son développement a été fulgurant : cinq millions de visiteurs uniques aujourd’hui, dix-huit mois à peine après son lancement. Jamais un nouveau média musical n’a émergé aussi vite. Internet, c’est la libération des ondes à la puissance mille. Et Deezer est son fer de lance.
En l’espace de quelques mois, un petit lecteur audio malin branché sur toute la musique pirate du Web est devenu l’interlocuteur privilégié des grandes maisons de disques et des plus gros annonceurs de la place. Deezer a su gagner en respectabilité, tout en étant plébiscité par des millions d’internautes comme une véritable alternative au piratage en ligne. C’est la plus belle success story qu’aient connue et l’industrie de la musique, et celle des médias depuis des lustres.
Le nom de ce petit service Web underground est lui même devenu une marque très connue du grand public. Deezer est désormais synonyme de musique à la demande sur Internet. Comme frigidaire est synonyme de réfrigérateur. Ecoute à la demande, playlists personnalisées, smartradios d’artistes, webradios thématiques : sur Deezer, l’interactivité est reine, même si elle est aussi devenue une simple commodité. En l’espace de dix-huit mois, une nouvelle forme de radio est née.
L’an dernier, Deezer aura reversé autant de droits aux auteurs, aux éditeurs, aux producteurs et aux artistes interprètes qu’une grosse station de radio musicale. La polémique sur les faibles revenus générés par titre diffusé, montée artificiellement en épingle, fait déjà long feu.
Bientôt de la publicité audio
Reste que la jeune start-up française doit aujourd’hui transformer l’essai. Et négocier un virage périlleux, sans se mettre à dos ses utilisateurs. L’introduction de la publicité audio dans les flux, qui va permettre à Deezer de draguer les annonceurs traditionnels du média radio, n’est plus qu’une affaire de quelques jours, et elle risque d’en mécontenter plus d’un. Mais c’est la contrepartie de la gratuité. Deezer, qui ne peut vivre de la seule publicité graphique au CPM , qui plus est sur un écran très peu captif pour ses utilisateurs, n’en a jamais fait mystère.
Ce nouveau format publicitaire a toujours été dans les tuyaux, comme le sont aujourd’hui des niveaux de service premium qui permettront d’accéder au service sans publicité. « Nous avons mis dix-sept mois à expérimenter la pub audio et à la mettre en place », explique son PDG Jonathan Benassaya. La pérennité du modèle économique de Deezer en dépend. Dans ce domaine, le service doit gagner en maturité, et le consommateur de musique en ligne également, qui ne peut espérer avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre...
Ce besoin de maturation, Jonathan Benassaya l’assume parfaitement, comme l’obligation faite à l’internaute de s’enregistrer et de s’identifier, désormais, pour écouter de la musique sur Deezer, qui s’inscrit pleinement dans ce processus. « Cette obligation répond à deux objectifs, explique-t-il : d’une part, elle va nous permettre de commercialiser des produits publicitaires de plus en plus ciblés ; d’autre part, elle répond à un besoin de profiling plus poussé, sur lequel repose toute la stratégie de la nouvelle version de Deezer, qui va introduire de nouvelles fonctions de recommandation.»
Autre signe d’une entrée dans l’âge de raison, les restrictions territoriales dont font l’objet les droits de la musique vont être appliqués sur Deezer. « Elles font partie des accords que nous avons passés avec les maisons de disques. Nous devons être responsables et les mettre en oeuvre », confie Jonathan Benassaya, même s’il considère qu’à l’heure d’Internet, elles ne devraient plus être aussi preignantes.
Si elles restent pertinentes, c’est parce que « l’industrie de la musique est toujours structurée autour de la distribution physique, explique-t-il. Le numérique n’a pas encore gagné ses lettres de noblesse dans ce domaine. Un album distribué par Warner Music aux Etats-Unis peut l’être par Sony Music ou Universal Music en France. A un moment donné, il faudrait gérer des flux entre le producteur de cet album et ses différents distributeurs sur plusieurs territoires, ce qui serait très complexe. »
Du nouveau à attendre sur l'iPhone
Tous les aménagements en cours préfigurent la nouvelle version de Deezer, affirme Jonathan Benassaya. Mais il n’en dira pas plus, sinon qu’une annonce importante sera faite lors du salon 3GSM à Barcelone. Il y a certainement du nouveau à attendre du côté de la version iPhone de Deezer, qui pourrait devenir payante. « Il y a eu 300 000 téléchargements de l’application sur AppStore. Cela donne une idée de l’intérêt suscité, même si elle devient payante », se contente d’indiquer le PDG de la jeune start-up française. Là aussi, des services premium sont certainement dans les tuyaux.
Une chose est sûre, sur les ordinateurs, Deezer restera une application Web 2.0, accessible à partir de n’importe quel navigateur. « Je reste persuadé de l’intérêt de ne pas avoir à installer de logiciel. C’est une garantie que le service soit accessible depuis n’importe où et par n’importe qui. Beaucoup de personnes, par exemple, n’ont pas les droits d’administrateur sur leur machine », argumente-t-il. Aussi ne craint-il pas outre mesure la concurrence d’un logiciel comme Spotify, qui ambitionne de devenir une référence en matière de diffusion de musique à la demande sur Internet, et dont le bétatest privé suscite un vif intérêt.
« Nous entendons parler de Spotify depuis que Deezer existe. C’est vrai que c’est un bon logiciel. Ils sont parvenus à intéresser beaucoup de monde. Mais nous connaissons bien leur modèle économique, et nous verrons bien comment ils vont s’en sortir », commente Jonathan Benassaya. Comme le nerf de la guerre de ce genre de service est la publicité, Deezer dispose d’un avantage concurrentiel non négligeable : l’audience déjà conquise. Et même si elle s’érode un petit peu du fait des nouvelles contraintes imposées à ses utilisateurs, Spotify est loin de pouvoir disposer d’une base installée équivalente.
Source : Electron Libre
Source : Electron Libre
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