lundi 22 novembre 2010

Les adieux de Jean-Louis AUBERT à son père.

Par Emmanuel MAROLLE pour Le Parisien

Il revient comme jamais, intime, sans fard, « cabossé et même un peu ridé », dit l’une de ses chansons. A 55 ans, Jean-Louis Aubert impressionne sur son nouvel album "Roc'éclair", qui sortira lundi prochain. Un disque de reconstruction après la disparition de son père, qu’il a accompagné jusqu’au bout. Le musicien en a fait un enregistrement bouleversant, traversé par la mort, rythmé par la vie, qui s’annonce déjà comme l’un des sommets de sa carrière. L’occasion d’une première interview confession.

Pourquoi ce titre, « Roc’éclair » ?

Jean-Louis Aubert.
Cela m’a sauté aux yeux quand je suis entré dans l’entreprise de pompes funèbres du même nom, après la disparition de mon père. Il y avait un double sens, un sentiment de clair-obscur. Pendant l’enregistrement, je me suis senti orphelin, mais la vie m’a paru soudain très lumineuse, très précieuse. Il y a une vitalité dans ce disque, celle que je voyais dans les hôpitaux, ces petits instants arrachés à l’angoisse du futur. C’était une façon de faire le deuil. Les chansons arrivaient toutes seules. J’en enregistrais trois par jour. J’étais traversé, transpercé. Et puis « Roc’éclair », c’est le dernier morceau, où je m’adresse à mon père. Je ne l’ai chanté qu’une fois, pour la première maquette. Je n’ai jamais réussi à la refaire. Je pleurais, ma voix tremblait.

Votre père était-il malade depuis longtemps ?

Oui. Il avait un cancer du sang, il a fait plusieurs rechutes. Les six derniers mois je suis resté à ses côtés. Avec beaucoup de plaisir. Il me récitait des poèmes, je chantais du Aznavour avec certains malades. Ces six mois-là m’ont permis d’être un bon fils.

Vous ne l’étiez pas avant...

Quand j’étais ado, nos rapports étaient très compliqués. J’étais déconneur, fugueur, très insoumis. Lui était un haut fonctionnaire, sous-préfet, pas très autoritaire. Ses amis le culpabilisaient dans les dîners. « Moi, mon fils fait HEC. » « Et le mien Sciences-po. » « Et le tien? » « Il joue de la guitare électrique. » Il y a trois ans, alors qu’il était hospitalisé à Cannes, il est sorti pour me voir en concert acoustique. Lorsque j’ai chanté sa chanson préférée, « Veille sur moi », j’ai lancé : « C’est pour toi, papa. » Les spectateurs ont porté mon père au-dessus de la foule jusqu’à la scène… à 91 ans quand même! Et dans la loge il m’a dit : « Tu vois, fiston, je crois que tu fais ce que je voulais faire… » Une fois que je me suis vraiment lancé dans la musique, il m’a accompagné en lisant mes textes ou en m’envoyant des extraits d’articles, sur des thèmes que je voulais aborder. On avait une connivence assez forte.

Sa mort a-t-elle été un soulagement ?

Non, parce que lui refusait totalement cette idée-là. Les médecins lui disaient : « Monsieur Aubert, on ne va peut-être pas s’acharner. » Il répondait : « Vous avez raison, vous me guérissez et je vais me baigner. » La dernière chose qu’il a faite avant de fermer les yeux, c’est un tour de magie avec ses pouces, qu’il réalisait quand j’étais petit.

Ce disque semble aussi dire adieu à l’éternel adolescent rockeur que vous étiez...

Je suis rattrapé par le temps. La pochette montre cela. C’est mon fils de 24 ans, Arthur, graphiste, qui l’a faite. Il m’aime un peu plus vieux. A l’époque de Téléphone, je suis souvent monté sur scène comme si j’allais mourir le lendemain. Je n’étais pas suicidaire, mais je prenais beaucoup de risques, avec les excès, la drogue qui a été compliquée à arrêter... Et puis récemment, il y a eu une période ou j’ai perdu douze proches en six mois, soit un tous les quinze jours. Ça vous transforme... Je suis conscient de mon âge sur ce disque.

Jean-Louis Aubert : «Cet album me donne envie de vivre»

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1 commentaire:

Alain NIALA a dit…

Très très très fort ! Ça percute, ça vous couche, ça vous remet debout... ça vous donne des ailes pour un petit reste de vie... Il n'est jamais trop tard pour marcher vers un bonheur...
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